Message
du Premier ministre Yves Leterme
jeudi
17 décembre 2009, Bruxelles (Parlement)
prononcé par Mark Van de Voorde, conseiller
Communication et Tendances Sociales
En 2005 le Premier ministre Yves
Leterme a publié son livre Vergrijzing&Verkleuring.
Dans ce livre il lançait, entre autres, l’idée
– je cite – « d’une plate-forme
où les convictions religieuses se rencontrent
et s’entretiennent sur toutes les grandes
questions morales, éthiques et sociales de
la société ».
La fondation du Belgian Council
of Religious Leaders est dans le droit fil de ce
rêve. Le Premier ministre Yves Leterme a reconnu
dans votre charte les motifs qui l’ont inspiré
: le dialogue en vue de compréhension et
d’entente, le témoignage spirituel
de valeurs humaines, la réflexion sur les
grandes questions de notre temps, et avant tout
la rencontre « d’identité à
identité ».
Pour déchiffrer l’homme
il ne suffit pas de pouvoir lire son génôme,
mais il faut aussi connaître l’ADN de
ses aspirations immatérielles. Celles-ci
ne se trouvent pas dans le génôme de
l’homme, mais dans sa conscience qui est alimentée
par des valeurs.
Les valeurs ne sont jamais neutres.
Elles sont des semences qui poussent de l’humus
de la religion et de la vision de l’homme.
Dans ce sens toute conviction est « partie
intéressée ». Intéressée
par l’homme et issue d’une vision de
l’homme. On dit que l’éthique
est autonome, mais l’éthique, la religion
et la philosophie ont des racines communes qui se
situent dans la notion que l’homme est plus
que nature et que l’homme, faisant partie
de la nature, la transcende en même temps.
La religion y ajoute une plus haute transcendance
qui élève l’homme.
Pour comprendre le monde, nous
devons regarder au-delà de la face apparente
des rapports de force et des tensions. Les tensions
dans le monde ne sont pas uniquement fonction d’intérêts
politiques et économiques, mais aussi d’intérêts
des convictions, et ce plutôt au sens idéologique
que religieux du terme. C’est pourquoi il
importe que les différentes convictions,
plutôt au sens religieux que idéologique,
aient toutes à nouveau voix au chapitre,
puisque nous touchons là au cœur de
l’homme, ce noyau qui l’incite à
la vérité, à la bonté
et à la beauté.
Il est d’ailleurs impossible
de reléguer la foi et la conviction religieuse
au domaine privé, sans plus. Naturellement,
la foi et la conviction appartiennent à la
sphère privée, dans ce sens que tout
un chacun doit avoir la liberté d’adhérer
à une croyance ou de changer de religion.
Le libre arbitre ainsi que la séparation
de l’Eglise et de l’Etat constituent
des valeurs fondamentales de notre société,
auxquelles l’on ne peut porter atteinte. Toutefois,
c’est une illusion et une violation de la
liberté d’expression que d’exiger
que des personnes répriment leurs convictions
les plus profondes dès qu’elles accèdent
au forum public.
L’ordre de la société
n’est en effet pas dénué de
valeurs. Notre société repose sur
un ensemble de valeurs. La politique et les convictions
religieuses se rencontrent donc sur le terrain de
ce que représentait originalement la politique,
à savoir le soin du polis, la vie en communauté.
Au sein d’une société où
des personnes issues de différentes cultures
vivent ensemble, il est encore davantage nécessaire
que les gens et des groupes puissent se rencontrer
jusque dans le cœur de leur existence, c’est-à-dire
au niveau de leur conviction la plus profonde, de
ce qui donne du sens à leur vie.
La promotion de la cohésion
sociale y gagne lorsque nous nous « rencontrons
d’identité à identité
». « Se rencontrer d’identité
à identité » signifie que nous
pouvons connaître l’un de l’autre
nos motifs les plus profonds, ce qui nous meut et
quelle est notre vision de l’homme.
« Parler d’identité
à identité » nous donne la possibilité
de découvrir nos similarités, mais
aussi nos différences, dans le sens le plus
tolérant, c’est-à-dire que nous
acceptons l’un de l’autre de prétendre
de posséder la vérité. Quand
je permets à l’autre de prétendre
que pour lui sa foi connaît la réponse
finale sur la question du sens de la vie et de la
destination de l’homme, moi aussi j’ai
le droit de dire autant de ma propre religion. La
tolérance réelle signifie qu’on
accorde à soi-même et à l’autre
la prétention de la vérité,
sous réserve de rester ouvert à la
vérité de l’autre.
La religion réelle ne gêne
jamais la raison, elle n’interdit jamais la
discussion et elle respecte la liberté de
conscience. Une religion – le mot ‘religion’
vient du Latin ‘religare’ qui signifie
‘unir’ – ne peut jamais viser
l’exclusion, par définition elle vise
l’union et la cohésion. Dans une société
pluraliste la cohésion sociale demande des
religions qu’elles soient tolérantes.
Pour le bien-être de la société,
la tolérance ne suffit pas. La société
demande des convictions religieuses et philosophiques
un dialogue réel, c’est-à-dire
un dialogue qui ne reste pas indifféremment
multiculturel mais qui soit interculturellement
intéressé.
C’est cet espoir qui inspire
le Premier ministre dans son estime pour votre Conseil.
Comme centres de réflexion inspirée
et de solidarité vécue, les communautés
religieuses seront d’une importance croissante
dans une société qui risque d’oublier
ses réponses morales et de perdre sa solidarité.
Le Premier ministre souhaite un avenir de dialogue
ouvert et constructif au Belgian Council of Religious
Leaders, au bien-être de toute la société.
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